Six ans après, Marseille a retrouvé son OM


(Source : Eurosport)

Après avoir vécu six années de vaches maigres footballistiques depuis le départ de Marcelo Bielsa en 2016, Marseille s’est retrouvé un prophète en la personne de Jorge Sampaoli. À la tête d’une équipe construite de main de maître par Pablo Longoria, le petit technicien argentin compte bien ramener l’OM vers les sommets, le tout avec le génie et la folie qui le caractérisent. 


Six ans que Marseille attendait ça. Le 8 août 2015, au sortir de la défaite concédée face au Stade Malherbe de Caen au Stade Vélodrome (0-1). Marcelo Bielsa se présente en conférence de presse. Déçu, « El loco » annonce sa démission, estimant avoir été lésé par son président Vincent Labrune. La stupeur s’abat sur Marseille. Sans le savoir, la cité phocéenne vient de tourner la page d’une année de bonheur et d’idylle qu’elle n’avait plus vécue depuis les grandes années du club dans la première moitié des années 1990. En quelques mois, Marcelo Bielsa est parvenu à remettre le Stade Vélodrome à feux et à sang, dans le bon sens du terme cette fois. Bien que terminée par une quatrième place on ne peut plus frustrante au vu de son scénario, la saison 2014/2015 aura été palpitante de bout en bout. Du jeu, de la dramaturgie, un public survolté, un entraîneur fou et des joueurs habités, quoi de mieux pour rendre la cité phocéenne raide dingue de son équipe. Après coup, la frustration de ne pas goûter de nouveau à la Ligue des Champions ne pèse pas bien lourd à côté de ce qu’a fait vivre « El Loco » aux 53130 spectateurs de moyenne présents chaque week-end dans les travées du Vélodrome (record) cette saison-là. 

Bielsa, essence même de ce que doit être le football

Depuis le départ de l’entraîneur argentin, les supporters de l’OM ont (beaucoup) souffert. Si la parenthèse enchantée du parcours en Europa League de 2018 a permis le temps de quelques semaines de refaire du stade Vélodrome un véritable volcan en éruption, cela n’était finalement pas grand-chose à côté de ce qu’avait pu offrir André-Pierre Gignac et consorts à leur public trois ans plus tôt. En 2020, sept ans après, la Ligue des champions fait même son retour à Marseille dans l’anonymat le plus total. Si le Covid y est pour beaucoup, le spectacle offert par André Villas-Boas et ses joueurs n’a pas non plus donné l’occasion au public de s’exalter, au contraire. En refusant le jeu, l’OM finit par tout perdre, ne recueillant que trois petits points et plusieurs humiliations au sein d’une poule composée de Manchester City, Porto et de l’Olympiacos dans laquelle la deuxième place était largement abordable. En 2021, après Michel, Rudi Garcia et André Villas-Boas, Marseille a enfin retrouvé en José Sampaoli un guide pour la ramener dans l’au-delà.

Jorge Sampaoli, qui d’autre que lui


(Source : Eurosport) 

Chili 2015, Séville 2016. Point commun : deux équipes iconiques. Sur leur banc, "un petit steak chauve, musclé et tatoué n’arrêtant pas de faire les cent pas" dixit Samir Nasri, son numéro 10 en Andalousie. Jorge Sampaoli, cette petite boule de nerfs argentine d’1m67 que tout rend furieux, à se demander s’il n’est pas un adepte de certaines substances illicites. Sampa, ce technicien magique parvenu lors de son passage à Séville faire renaître le plus beau produit sorti de la commanderie. Samir Nasri ne dira pas le contraire. En 2016, le minot des quartiers Nord n’a eu besoin que de quelques semaines pour tomber raide dingue de son coach. De quoi nourrir énormément d’espoirs en le mariage entre la cité phocéenne et l’argentin. 
En février 2021, l’arrivée de Jorge Sampaoli dans les Bouches-du-Rhône enchante tout Marseille. En l’argentin, la ville pense avoir retrouvé un prophète. À son arrivée, l’ancien entraîneur de Santos reprend un effectif limité et marqué par ses dernières semaines passés sous les ordres d’André Villas-Boas. Les premiers mois du petit pitbull font d’ailleurs faire naître quelques doutes chez une petite frange supporters et chez les observateurs « anti-Bielsa » du paysage médiatique footballistique français. Éditorialiste et membre de la rédaction Foot Mercato, Walid Acherchour dénonce "de la complaisance pour Domenech qui n’a pas entraîné depuis 25 ans et qui porte le plus grand fiasco du football mais des avis à charge sur un coach étranger qui a fait gagner le Chili et laisser une trace à Séville par son style de jeu. En vrai, on a ce qu’on mérite en France." Déjà, les détracteurs de l’ancien sélectionneur de l’Argentine se demandent sera-t-il capable à l’OM de reproduire un chef d’œuvre tel que son FC Séville ? Il est vrai que pour ses premiers matchs, tout n’est pas parfait, loin de là. Toutefois, faute de football spectacle, les résultats sont d’abord honorables et révèlent une force de caractère retrouvée. Si Dimitri Payet et les siens ont rapidement imprimé la grinta que réclame Jorge Sampaoli, les voilà plus en difficulté au moment d’assimiler les schémas que veut voir le petit technicien de 61 ans. Jorge Sampaoli lui, ne doute pas. Serein, il sait que ses détracteurs ont oublié un élément important. Arrivé en février au chevet un effectif relativement limité qu’il n’a nullement choisi, Jorge Sampaoli a prévu de se servir de ses trois premiers mois en Ligue 1 comme d’un laboratoire grandeur nature lui permettant d’établir en étroite collaboration avec son président Pablo Longoria le mercato d’été qui va s’amorcer. 

Une osmose retrouvée


(Source : Foot Mercato) 

Au moment d’établir les profils de joueurs qu’il lui faut, Jorge Sampaoli peut compter sur celui qui l’a lui-même choisi, Pablo Longoria. Aujourd’hui président de l’OM à seulement 35 ans, cet espagnol né à Oviedo est avant tout un recruteur. Phénomène de précocité, Pablo Longoria fait ses premières gammes de scout sur Football Manager. À côté, dès l’âge de 12 ans, le garçon consomme un nombre de matchs incalculable, se forgeant ainsi de solides compétences tactiques. À 19 ans, celui qui est surnommé « El Chico de la Play » devient conseiller du technicien espagnol Marcelino, alors en poste à Huelva (D2 espagnole). Ce dernier l’apprécie beaucoup et à seulement vingt ans, Pablo Longoria occupe déjà un rôle très important dans le recrutement de ses équipes. En 2007, c’est Newcastle qui vient le chercher pour en faire un de ses scouts. Sans broncher, le gamin accepte la proposition et continue de progresser. Finalement, sa pige dans le Nord de l’Angleterre n’est que de courte durée. En 2009, le voilà rappelé à Huelva. Après y avoir conseillé Marcelino de 2005 à 2007, il devient directeur de la cellule de recrutement du club, à 23 ans. Un an plus tard, c’est l’Atalanta Bergame qui, alors en Série B, fait appel à lui afin de commencer à bâtir un projet ambitieux que l’on ne présente plus aujourd’hui. Suivent Sassuolo puis la Juventus. Polyglotte, Pablo Longoria ne cesse de prendre du galon, jusqu’à se voir confier en 2018 le poste de directeur sportif d’un club de Valence où l’entraîneur n’est autre que Marcelino. En 2020, parti de Valence après fort d’un réseau exceptionnel, il est nommé directeur général par le président de l’OM Jacques-Henri Eyraud et succède à son compatriote Andoni Zubizarreta. 
À son arrivée dans les Bouches-du-Rhône, Pablo Longoria voit grand et compte bien s’en donner les moyens. Son objectif, stabiliser le club parmi les vingt meilleurs d’Europe en cinq ans. Énorme travailleur, l’Espagnol ne tarde pas à lier les paroles aux actes. Après le jeune espoir brésilien Luis Henrique, il met la main sur Pol Lirola et Arkadiusz Milik en janvier 2021. Très vite, les deux joueurs venus de Série A s’affirment comme deux très bons coups, devenant même les deux hommes forts de la deuxième partie de saison olympienne. 

L’extrême cohérence de l’été des grands travaux

Malgré que les premières petites touches soient arrivés à l’hiver, la réelle construction de l’OM de Pablo Longoria et Jorge Sampaoli débute lors de l’été 2021. Ensemble, en plus d’être très complémentaire, le tandem sait où il veut aller. Pour le duo, la définition des profils de joueurs à aller chercher est très précise. Alors qu’il compte mettre un système à trois défenseurs centraux capable de fournir un pressing tout terrain, Jorge Sampaoli a d’abord besoin de onze joueurs très à l’aise balle au pied y compris sous pression. Pour pouvoir pratiquer le football qu’il souhaite pratiquer, l’ancien sélectionneur du Chili signifie d’abord à son président avoir besoin d’un autre gardien que Steve Mandanda. Pour l’argentin, le jeu au pied doit être l’une des qualités premières de son portier, quitte à ce que ce dernier soit un peu moins impérial sur sa ligne à l’image de ce que pouvait être Claudio Bravo avec le Chili ou Sergio Rico avec Séville. Ce gardien-là, ce sera Pau Lopez. 
Devant son portier, Jorge Sampaoli compte jouer avec trois défenseurs centraux. S’il tente déjà l’expérience en fin de saison dernière avec Balerdi, Alvaro, Caleta-Car voire Amavi, la réussite n’est pas au rendez-vous. À l’aube du mercato, sa demande est la suivante : deux défenseurs centraux très à l’aise avec le ballon et capables d’attaquer les espaces. Pablo Longoria n’a pas besoin de plus d’indications. Profitant de l’incompétence de l’entraîneur d’Arsenal Mikel Arteta, il parvient à se faire prêter William Saliba pour un an. Déjà exceptionnel à Saint-Étienne puis très bon à Nice, le natif de Montfermeil réalise un début de saison exceptionnel sur la Canebière. Au-delà de ses immenses qualités en possession du cuir, William Saliba possède des qualités défensives rares et fait déjà certainement partie du gratin mondial à son poste. 
À gauche, le constat est quasiment le même pour son alter-égo Luan Peres. Bien que bien moins impressionnant défensivement, le brésilien étonne par sa capacité à jouer sous pression et à faire gagner à l’OM de nombreux mètres, que ce soit par la passe ou par la conduite de balle. Verticaux, voilà comment pourraient être caractérisés les deux chiens de gardes de Jorge Sampaoli. La verticalité, base de la philosophie de l’argentin. 


(Source : Coeur marseillais) 

Ce qui fascine également, c’est cette impression qu’en allant chercher Luan Peres, Pablo Longoria a frappé en plein dans le mille. Illustre inconnu pour 98% des suiveurs de football il y a encore 6 mois, force est de se demander si ce longiligne défenseur central de 26 ans serait capable d’évoluer dans d’autres configurations tant ses qualités épousent le rôle que veut lui donner Jorge Sampaoli. Le constat vaut également pour Cengiz Under. À 24 ans, l’ailier turc jouit toujours et ce depuis presque cinq ans d’une réputation de diamant brut que personne ne parvient réellement à polir. À la Roma puis à Leicester, le virevoltant gaucher n’est jamais parvenu à s’imposer, la faute certainement à quelques difficultés à se canaliser et à gérer le tempo de son jeu, comme s’il devrait toujours tout faire très vite et de manière ultra-explosive. Explosive ? Tiens, encore un adjectif collant parfaitement à ce qu’est Jorge Sampaoli et à ce qu’il souhaite de son équipe. Depuis le début de la saison, l’animation de l’argentin permet au jeune Under de se trouver quasiment systématiquement en situation d’un contre un. Si quelques progrès sont encore à faire au niveau de la prise de décision, nul doute que là aussi, les qualités du numéro 17 sont exacerbées par l’animation marseillaise. 
Après la verticalité et l’explosivité, que serait une équipe de Jorge Sampaoli sans un grain de folie ? À son arrivée à l’OM, l’ancien sélectionneur du Chili n’a pas de soldat comme pouvait l’être Arturo Vidal en sélection chilienne. Parce que deux valent mieux qu’un, Pablo Longoria est parti dénicher Matteo Guendouzi à Arsenal et Amine Harit à Schalke. Tous deux placardisés pour de nombreux problèmes de comportement et autres sorties de route (sans mauvais jeu de mot), les deux joueurs constituent pour Jorge Sampaoli un nouveau défi. À Marseille, l’entraîneur phocéen devra réussir mettre leur le tempérament bouillant des deux joueurs au service de l’équipe. Un challenge palpitant qui fait saliver le peuple marseillais tant les deux joueurs peuvent être extraordinaires lorsqu’ils sont concernés. Résultat, en grande difficulté depuis deux ans, Matteo Guendouzi est l’auteur d’un début de saison tonitruant. Patron du milieu olympien, le joueur formé à Lorient rayonne dans le demi-espace gauche du 3-4-3 de Jorge Sampaoli. Lui aussi très vertical, le natif de Poissy peut aussi dicter le tempo lorsque son le jeu le demande. Pour Amine Harit également, les débuts se sont déroulés de la meilleure des manières. Après avoir vécu la descente aux enfers du monument Schalke 04 pendant deux ans, le joueur formé à Nantes revit à Marseille. À Monaco, pour sa première sous le maillot olympien, l’international marocain a régalé dans ce qui demeure certainement le match le plus abouti de l’OM cette saison. Faux numéro 9 en l’absence de Dimitri Payet, le numéro 7 phocéen n’a cessé de proposer des solutions à ses partenaires, permutant durant tout le match avec son principal compère d’attaque, le jeune Bamba Dieng. 

Dimitri Payet, monsieur plus


(Source : Coeur marseillais) 

Bien que très performant sans lui, l’OM a pu retrouver face à Lens son numéro 10 et capitaine Dimitri Payet. Face aux Sang et Or, l’international français a offert aux 50001 spectateurs présents au stade Vélodrome un show dont il a le secret. Chef d’orchestre malgré la position très avancée sur le terrain, le réunionnais a livré une nouvelle prestation de très grande classe. Si le plan marseillais a connu quelques accrocs (2-3), cela n’a pas empêché à l’ancien joueur de West Ham de rayonner. D’abord menés 2 buts à 0 par une formation lensoise impressionnante, les Marseillais ont dû s’en remettre à leur capitaine pour revenir dans le match. Privé de ballons par la paire Doucouré-Fofana pendant une demi-heure, Dimitri Payet a dû prendre le contrôle des opérations. Le ballon n’arrivant pas à lui, le réunionnais est allé au ballon, permettant à son équipe de se sortir de l’étau lensois. Après avoir remis l’OM dans le sens de la marche grâce à un coup franc parfaitement frappé à l’entrée de la surface de Jean-Louis Leca, il transformait plein de sang-froid le penalty de l’égalisation à quelques secondes du retour aux vestiaires. Assez pour faire s’embraser le Vélodrome. Sur le bord du terrain, lion d’être dupe, Jorge Sampaoli bout et fait les cent pas, conscient d’être passé à côté de son combat tactique face à Franck Haise. Dans une atmosphère aussi folle qu’irrationnelle, à l’image du scénario du match, l’OM s’incline pour cette fois. Pourtant, pas grand-chose n’est à jeter de la prestation olympienne. Cette fois défaits (2-3), les phocéens pourront encore compter sur leur capitaine cette saison. Déjà crucial à Montpellier et face à Bordeaux et Saint-Étienne, Dimitri Payet est en mission. Que le Vélodrome se tienne prêt, il n’est pas encore au bout de ses surprises.

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